Réaction publiée dans le magazine Le Point, 20 janvier 2022.
Pour la présidente de #JamaisSansElles, le changement ne peut advenir que dans le cadre d’un pacte de non-agression entre hommes et femmes.
« Où en sont-elles ? » interroge Emmanuel Todd dans son dernier livre, sous-titré « Une esquisse de l’histoire des femmes » (Seuil). L’anthropologue et historien remonte le fil de l’émancipation des femmes en Occident et analyse son possible impact sur la société, la désindustrialisation ou encore la hausse de l’individualisme. Intrigué – « agacé », reconnaît-il lui-même – par la montée en puissance de ce qu’il appelle un « féminisme antagoniste » à l’américaine, il cherche à répondre à la question suivante : comment se fait-il qu’en France les relations entre hommes et femmes menacent de basculer aujourd’hui dans une guerre des sexes ? De quoi titiller quelques âmes féministes… Nous avons fait lire l’ouvrage d’Emmanuel Todd, aux thèses parfois audacieuses, à des femmes politiques, dont les principales candidates à la présidentielle – seule Christiane Taubira n’a pas souhaité nous répondre -, et à des dirigeantes d’entreprise. Voici la réaction de Tatiana F-Salomon, fondatrice et présidente de #JamaisSansElles.
« L’émancipation des femmes s’inscrit dans une longue histoire, intimement liée à l’histoire de la société dans son ensemble. Elle est loin d’être terminée. Il y a eu des évolutions et des prises de conscience, mais l’horizon de l’égalité demeure lointain. Ce qui a changé, à relativement grande échelle, c’est que les femmes ne sont plus passives et n’attendent plus que la reconnaissance de leurs droits légitimes leur soit généreusement accordée. Elles sont devenues actrices du changement, initiatrices des transformations visant à modifier aussi bien l’existence des femmes que celle des hommes. La visée de ce féminisme est tout simplement humaniste.
Emmanuel Todd parle de l’irruption d’un « féminisme antagoniste », mais ce n’est pas mon féminisme. Cette forme de féminisme me semble globalement intempestive, à contretemps. Elle assume une certaine agressivité qui, en misant tout sur les rapports de force, rend le message plus fragile, et sans doute moins audible, voire moins crédible. J’ai compris depuis longtemps que le changement que j’appelle de tout mon être ne peut advenir que dans le cadre d’une alliance, d’un pacte de non-agression entre nous. Cela seul peut mener au respect réciproque.
Que les femmes soient reconnues comme des partenaires à part entière est encore l’objet d’âpres batailles. Il n’est pas rare, au quotidien, qu’elles soient considérées comme des variables d’ajustement, comme des « invitées » devant toujours faire la preuve de leurs compétences, et dont la simple présence ne va jamais tout à fait de soi, notamment dans le milieu professionnel.
Avec #JamaisSansElles, nous souhaitons une réelle gouvernance partagée. Une égalité salariale, bien sûr, car l’égalité économique est le support incontournable de toute égalité des sexes, de toute émancipation. Mais également un égal accès aux responsabilités, aux prises de décision et à la représentation. Les entreprises avec lesquelles nous élaborons des chartes l’ont bien compris.
C’est de cette manière que nous parviendrons à une réelle libération des compétences et des aspirations de chacun, pour le bénéfice de tous. »
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